Présenté dans un numéro du magazine GET FRESH ! (n’existant malheureusement plus), ce sujet pourra probablement aider certains « vegan » / végétaliens à être plus en harmonie avec leurs choix alimentaires (Il serait bon par la même occasion de relire cet article).
On imagine fort bien que dans notre société française il peut être inconfortable parfois, d’assumer ce choix et surtout quand on manque de confiance en soi-même.
Voici donc la traduction de cet article :
Si vous avez parfois été mis au défi par un mangeur de viande de justifier votre alimentation végétale, l’évolution pourrait être l’argument à lui opposer, explique Simon McAdams* :
Êtes-vous ce que vos ancêtres mangeaient ? Bon, c’est facile de blâmer vos parents pour un tas de choses, mais quand on en vient à l’évolution de votre système digestif, vous pourriez souhaiter remonter quelques générations de plus pour jeter un œil aux menus par lesquels nous avons été sélectionnés. Les primates ont consommé majoritairement un régime herbivore durant les derniers 35 millions d’années, mais durant les cinq à huit millions d’années de divergence avec notre ancêtre commun, les humains ont graduellement augmenté leur consommation de chair animale. Il est une hypothèse selon laquelle nous avons ajouté la viande à nos régimes herbivores comme source alimentaire alternative il y a approximativement 2,5 millions d’années quand nos habitats forestiers furent progressivement remplacés par des prairies, avec des animaux augmentant en nombre.
Utilisant notre intellect croissant et l’utilisation d’outils, nous avons exploité cette nouvelle source d’aliment carné pour un approvisionnement sûr de calories et de micronutriments concentrés. En conséquence un effet de rétroaction fut initié au travers duquel nos cerveaux ont augmenté et par les interactions sociales augmentées, apportées par la chasse, notre intellect a continué à se développer. Ceci ne diminue pas l’importance des végétaux, qui auraient dominé le régime de notre ancêtre humain : il a été récemment démontré que l’un de nos ancêtres, qui apparut en Afrique de l’Est il y a entre 1,9 et 1,4 millions d’années, avait une alimentation faite d’en moyenne 77% d’herbes.
Manger de la viande a cependant exposé nos ancêtres précédemment herbivores à une large gamme de problèmes non prévus, comme l’exposition aux toxines des chairs animales et aux pathogènes infectieux transportés par les mammifères sauvages, tels que bactéries, virus, prions (protéine infectieuse) et parasites. L’utilisation du feu il y a 0,8 millions d’années aurait réduit ces agents infectieux et rendu la viande plus facilement digestible, cependant, frire ou griller la viande produit des substances pro-inflammatoires glyco-oxydantes et des aminés hétérocycliques, ces derniers causant le cancer chez les animaux, bien que leurs effets sur l’Homme reste à établir (Cependant il est clair qu’une grande consommation de viande frite ou grillée augmente le risque de divers cancers).
Ceci nous abandonne à un paradoxe : comment les hommes ont-ils pu doubler leur espérance de vie, comparé à aux grands singes et nous le présumons à nos ancêtres communs, alors qu’en même temps ils consommaient plus de viande ? Particulièrement quand nous considérons que parmi les souris et les singes, une plus grande consommation de graisses et de calories est associée à une progression accélérée de la maladie et à une vie plus courte. La restriction calorique chez les humains a aussi montré une diminution des facteurs de risque pour le diabète et les maladies cardiovasculaires.
Il a été suggéré que l’adaptation humaine à une alimentation riche en viande était soutenue par des « gènes d’adaptation à la viande », qui avaient été sélectionnés pour atténuer les effets destructeurs des graisses et des toxines trouvées dans une telle alimentation. L’introduction de la viande dans notre régime a pu par conséquent avoir été importante pour nous amener là où nous sommes aujourd’hui, à la fois géographiquement et intellectuellement, en fournissant à nos ancêtres un plus gros cerveau et une alimentation suffisamment versatile pour permettre l’adaptation à différents climats autour du globe. Il serait par conséquent raisonnable d’aboutir à l’hypothèse que la viande est un composant essentiel de notre alimentation, sans lequel notre santé souffrirait. Alors que des études actuelles montrent avec persuasion que l’opposé est vrai, qu’en fait une alimentation végétalienne a de nombreux bénéfices pour la santé comparée à une alimentation carnivore, comme prévenir les maladies chroniques et augmenter l’espérance de vie, et en conséquence aboutit à se questionner sur le fait de savoir si la viande ou les produits animaux ont une place quelconque dans notre alimentation moderne.
Les « racines » de la viande
Les bénéfices sur le long terme d’une alimentation majoritairement riche en fruits et légumes ne sont pas un secret et des études poussées ont montré que les régimes riches en fruits et légumes contiennent de grandes quantités d’antioxydants qui ralentissent le développement des maladies cardiovasculaires. Les avantages des modes de vie vegan ou sans viande ont été reconnus par une quantité d’organisations professionnelles telles que l’American Dietetic Association, et une alimentation végétalienne bien programmée ainsi que d’autres types de régimes végétariens sont appropriés pour tous les âges de la vie, y compris la grossesse, l’allaitement, la petite enfance, l’enfance et l’adolescence.
Différentes études ont mis en lumière les bienfaits d’une alimentation sans viande dans lesquelles les végétariens ont été rapportés comme ayant réduit la mortalité par maladie cardiovasculaire. L’Étude végétarienne d’Oxford (Oxford Vegetarian study) a montré que le risque pour quelques cancers (pas tous) était réduit de façon significative chez les végétariens, et les auteurs ont conclu que les régimes végétariens pouvaient prévenir 40.000 morts de maladies cardiaques en Grande-Bretagne.
Il est important de noter que sur six études tous les auteurs ont conclu qu’il était possible qu’une alimentation avec une consommation très basse de viande était liée à une plus grande longévité et qu’un régime végétarien sur le long terme avait pour résultat une augmentation significative de l’espérance de vie de 3,6 ans.
Les résultats parlent d’eux-mêmes, diminuer ou supprimer la viande de son régime réduira le risque de nombreuses maladies chroniques et peut augmenter l’espérance de vie ; des qualités-clés pour un composant diététique apparemment essentiel. Ceci peut sembler étrange si on considère l’importance de la viande durant les derniers stades de l’évolution ; alors qu’a donc la viande de si important ?
Certains ont suggéré que les acides gras polyinsaturés (AGPI) trouvés dans la chair animale auraient été un micronutriment essentiel pour le développement du cerveau ; les AGPI peuvent cependant être obtenus facilement à partir de sources non carnivores, en évitant ainsi les effets négatifs de la consommation de viande.
Qu’en est-il de la vitamine B12 ?
Les déficiences en vitamines essentielles et en minéraux tels que la vitamine B12 et le fer sont habituellement cités à tort comme les caractéristiques négatives des régimes sans viande. De nombreuses études ont montré que les déficiences observées dans les régimes sans viande sont habituellement dues à un mauvais programme de repas. En termes de déficience en fer, les végétariens et les végétaliens des pays occidentaux n’en sont pas davantage affectés que les consommateurs de viande, et les végétaliens s’avèrent n’avoir soit aucune différence significative dans le manque de fer par rapport aux carnivores, soit un taux plus élevé de déficience que les carnivores.
Bien que les végétariens ont des réserves plus basses de fer (en raison du fer d’origine végétale qui est plus sensible aux inhibiteurs de l’absorption du fer que le fer trouvé dans la viande), ces taux de fer sont dans la fourchette normale. En fait, les réserves plus basses de fer réduisent le risque de nombreuses maladies chroniques et beaucoup de carnivores sont suralimentés en fer, augmentant le risque de maladie cardiaque et de certains cancers.
Dans une étude en Grande-Bretagne avec 33.883 carnivores et 31.546 non-carnivores, les végétaliens avaient la consommation la plus élevée de fer, suivis par les mangeurs de poisson et les végétariens, alors que les carnivores se révélaient avoir la consommation la plus faible de fer. La même étude a aussi montré que les végétaliens avaient le taux le plus bas de vitamine B12. Ce qui n’est pas une surprise puisque la vitamine B12 est produite entièrement par les bactéries du sol et est entrée dans la chaîne alimentaire humaine comme un polluant des fruits et légumes, et bien qu’elle ne puisse pas être éliminée de la chair animale, nos méthodes d’hygiène courantes dans la transformation des fruits et légumes supprime complètement cette vitamine. L’étude a noté, cependant, que les niveaux de B12 chez les végétaliens seraient désormais susceptibles d’être plus élevés en raison d’une offre croissante d’aliments fortifiés en B12.
Le besoin éventuel en supplémentation de B12 n’est pas un argument contre un régime sans viande, puisque nous trouverions normalement cette vitamine sur les fruits et légumes sauvages, mais plutôt un argument contre la stérilisation de nos aliments, contrairement à ce qui a été durant des millions d’années d’évolution.
Ce qui est important c’est que la vitamine B12 est obtenue facilement à travers une alimentation bien menée ou une supplémentation, évitant ainsi le besoin d’une consommation de viande.
Prenez-vous du lait de vache dans votre thé ?
Les vaches ont été domestiquées il y a environ 10.000 ans (les moutons il y a 11.000 ans) et la preuve chimique de résidus de graisse laitière dans des poteries trouvées en Grande-Bretagne suggère que la « laiterie » a commencé il y a entre 6.100 et 5.500 ans. Par conséquent, sur l’échelle de l’évolution, l’inclusion de produits laitiers dans l’alimentation de nos ancêtres apparait trop récemment pour rendre possible une adaptation adéquate au génome humain.
Ce raisonnement peut être appliqué à d’autres intégrations récentes d’aliments : un document universitaire a mis en lumière que les produits laitiers, les céréales, les sucres raffinés, les huiles végétales raffinées et l’alcool contribuent pour 72,1% à la prise énergétique globale de toute la population des États-Unis quotidiennement, tous ces aliments auraient été absents ou négligeables dans la prise calorique globale de l’alimentation typique pré-agriculturale des hominiens.
L’adaptation de 30% des humains à la possibilité de digérer le lactose (le sucre trouvé dans le lait) ne doit pas être un feu vert pour la consommation des produits laitiers. La plupart des humains sont capables dans leur enfance de produire du lactase (l’enzyme qui décompose le lactose) ; mais l’activité de cette enzyme décroît tôt dans la vie jusqu’à des niveaux indécelables après le sevrage. Cependant 80% des européens sont capables de produire du lactase à l’âge adulte, en raison d’une unique mutation dans le gène du lactase ; cette mutation aurait fourni à certains de nos ancêtres producteurs laitiers un avantage leur permettant d’utiliser plus efficacement cet aliment sans aucun doute « de survie ».
Malgré tout, il y a plus de composants dans le lait que juste le lactose : une concoction de protéines et d’hormones, dont les pleins effets sur l’Homme ne sont pas encore établis. Un facteur de croissance analogue à l’insuline (IGF-1) est un exemple d’hormone trouvée dans le lait de vache, qui est aussi trouvée chez l’Homme, et est impliquée dans la croissance de divers tissus et cellules, y compris les cellules cancéreuses. En raison de ce possible lien carcinogène, l’IGF-1 est d’un grand intérêt, sachant que selon la quantité de lait de vache ingéré, les taux d’IGF-1 dans le sang humain peuvent augmenter de 10 à 20% chez les adultes et de 20 à 30% chez les enfants.
Alors, que nous disent les études ?
Les expériences ont montré que les œstrogènes du lait de vache augmentent d’en moyenne 30% la croissance des cellules du cancer de la prostate dans 14 expérimentations différentes (là où le lait d’amandes inhibe la croissance des cellules cancéreuses de plus de 30%). Les études observant la prise de produits laitiers et l’incidence sur divers cancers chez les humains, se sont avérées être un « mix », bien qu’il y ait consensus sur le fait que la prise de produits laitiers peut être associée à un risque accru de cancer de la prostate.
Des documents universitaires qui se sont tout particulièrement penchés sur les taux sanguins d’IGF-1 ont noté que de légères augmentations des taux d’IGF-1 sont associées à un risque augmenté du cancer de la prostate et de tout un éventail d’autres cancers. Il est important de noter que même si les taux d’IGF-1 sont augmentés par la consommation de produits laitiers, ils sont aussi diminués par la consommation de légumes et de tomates. Puisque le lait n’est pas un composant essentiel de notre régime après le sevrage, particulièrement le lait d’autres espèces, tout bénéfice nutritionnel octroyé par le lait peut être obtenu dans n’importe quelle autre pléthore d’aliments qui ne transportent pas de risque cancéreux.
Conclusion
Comme notre génome est le produit de millions d’années d’évolution, des changement pré-requis anatomiques et biochimiques sont nécessaires pour digérer et assimiler correctement des produits alimentaires particuliers, des changements qui ne peuvent survenir sur le court terme, c’est-à-dire quelques milliers d’années. Par conséquent, certains aliments représentent un conflit entre notre biologie déterminée évolutive et le régime occidental récemment apparu. En tant que tel, il est nécessaire d’être prudent envers les aliments qui ne font pas partie de notre étiquette évolutive et prudent pour ne pas trop en dévier.
Donc, êtes-vous ce que vos ancêtres ont mangé ?
Et bien, jusqu’à un certain point ; il est important de noter que les derniers 2,5 millions d’années n’éliminent pas les derniers 35 millions d’années : la consommation de viande et de lait a pu être importante pour nos plus récents ancêtres afin de survivre à des environnements éloignés de notre nid tropical originel, mais ceux-ci ne sont pas des aliments optimum ainsi que nous pouvons le conclure statistiquement.
Nous ne pouvons pas nous reposer sur les adaptations génétiques que nous avons pu générer en réponse à la consommation de viande et de produits laitiers pour protéger notre santé, et donc, comme les études l’ont montré, un régime sans viande est meilleur qu’un régime avec peu de viande. Les micronutriments qui ont été tellement recherchés par nos ancêtres sont maintenant disponibles dans une alimentation végétalienne bien menée, évitant ainsi tout besoin de consommer des hormones douteuses et carcinogènes.
Ceci étant dit, les études ont démontré que l’homo abilis est tout à fait partial face à un poulet à la Kiev cuit au micro-ondes !
* Simon Mc Adams est un scientifique passionné de santé. Diplômé en biochimie il fait actuellement des recherches pour un doctorat sur la fabrication de tissus pour la médecine régénérative. Ses intérêts s’étendent au yoga, à la course et à la musique.
NOTE : A la fin de l’article original, en anglais, est fournie une longue liste de 22 références renvoyant à des études soutenant toutes les informations données par l’auteur… mais vraiment le temps me manque pour la retranscrire à la fin de cette traduction. Veuillez m’en excuser.